R. TRESOLDI, Les rites d'initiation

Les rituels initiatiques à l'époque contemporaine

Phénomènes typiques de la société contemporaine / jugé positif ou négatif / tentative parfois confuse de répéter des cérémonies initiatiques du passé.

Rites=expression la plus ancienne et la plus vraie des exigences personnelles et sociales de l'être humain=>ne peuvent pas disparaître mais se transformer et s'exprimer sous une nouvelle modalité.

Comportements rituels reconnaissables comme les phases fondamentales de l'existence (naissance, adolescence, mariage, funérailles, bar-mitva, ordination sacerdotale, baptême, cérémonies Francs-Maçons et ordres chevaleresques). Mais aussi première cigarette, initiation sexuelle, rébellion par rapport à autorité familiale ou à son groupe d'appartenance, à l'opposé, ce sont plus les cérémonies destinées à faire entrer le jeune dans le clan tribal moderne (armée, rites traditionnels étudiants=bizutages).

Aspect peu étudié=>formes de reviviscence des mystères présents dans des formes de musique comme le rock (surtout les Doors).

La permanence des rites

"les noms changent mais les génies demeurent" (C. MEIER)
Rite=domaine très confus, étudié depuis début XXe, recherche pas finie pour élaborer une définition canonique.

Premières études et conceptualisation=>création d'analyses des sociétés primitives donc conditionnement, retardement, pour études de notre société. rend difficiles analyses et recherches sur les rites sociaux contemporains=vu comme affaiblis, désacralisés ou omniprésent.

Caractéristiques fondatrices des rites=Plasticité et Adaptabilité sociale.

Pour maintenir aspects universels : subissent les effets de nombreuses variables dans espace, temps et formes.

Symboles=quelque chose d'inconnu mais de complémentaire à la pensée logique et donc exprimable.Les êtres humains en sont les porteurs au niveau personnel et collectif (rêves, mythes et religions, fables et légendes=>expressions qui se manifestent tout le temps mais de manière discontinue donc difficile à cerner).

Dans sociétés primitives=>rite=noyau dur de la vie tribale dans ses plans collectif et individuel (religieux et social forment un tout) contrairement sociétés actuelles où plans sont séparés. Par "rite", on entend "ordre"=>harmonisation des relations entre dieux et humains et des rapports des hommes entre eux.

Le terme "initiatique" vu comme une transformation à travers la religion, càd le passage par une porte (boire du Red Bull) qui donne accès sur l'ailleurs (monde adulte avec responsabilités mais monde inconnu finalement que jeunes garçons appréhendent progressivement)=>IMPORTANT!!!


Une vue historique

1912 : E. DURKHEIM Les Formes élémentaires de la vie religieuse : "les rites les plus barbares ou bizarres, les mythes les plus étrangers, traduisent un quelconque besoin humain, un certain aspect de la vie individuelle ou sociale". Rites=comme un moment d'effervescence collective, comme une façon de distinguer les moments sacrés des profanes. Classification faits religieux selon leurs formes ou leurs fonctions.

Déplacement du domaine rituel vers les marges du social (urbanisation communautés locales=>abandon modalités traditionnelles).

Sociétés primitives le centre=rituel et temps libre qui ne se distinguent pas d'autres spécificités temporelles //Sociétés industrielles le centre=activités productives et professionnelles et rituels se placent en marge, dans le temps libre, sport, jeux, fêtes d'anniversaire...=>mis en relief du temps libre et rituels y participent fortement.

Réalités locales=reprises donc engendrent des conséquences positives grâce à des célébrations publiques en tout genre (1970 : carnavals, célébrations religieuses, fêtes locales avec danse, musiques et repas).

1909 : Arnold VAN GENNEP Les Rites de passage : "étude systématique de la porte et du seuil". Société présente des discontinuités et rite de passage cherche à recomposer l'ordre social perturbé à chaque étape biologique. Dans chaque rite : détermination d'une séquence fixe=séparation, marge, agrégation=phase visibles. Etat de marge=>stade intermédiaire, transitoires.

1976 : Victor TURNER La Forêt des symboles : théorie rites de passage + approfondissement état de marge=>débusque "antistructure" contre les hiérarchies et donne le nom de "liminaires" (seuils, marges)/séparation=préliminaires/agrégation=post-liminaires. Phase où individu subit nombreuses épreuves qui sont une conjonction entre un avant et un après.

A présent, comme l'adolescence n'est plus ritualisée alors elle se prolonge indéfiniment. Les différents façons (aussi tumultueuses que pathologiques) qui permettent d'accéder à l'état adulte, sont la source d'études continues et d'interventions désordonnées. Aujourd'hui, nous avons trop peu de temps et cela entrave les rites qui en ont besoin.

Alors je vous passe la suite sans doute demain.
Et c'est bar-mitSva et non bar-mitva.

Quand je parlais de "traduction" je voulais justement parler de cette "nouvelle modalité" du rite. Comme quoi on peut croire qu'on n'est pas d'accord, mais on l'est toujours au fond^^. On trouve ça aussi dans cette idée de "plasticité".

"Sociétés primitives le centre=rituel et temps libre qui ne se distinguent pas d'autres spécificités temporelles //Sociétés industrielles le centre=activités productives et professionnelles et rituels se placent en marge, dans le temps libre, sport, jeux, fêtes d'anniversaire...=>mis en relief du temps libre et rituels y participent fortement."
=> Très intéressant de voir aussi que les rites modernes se situent à la "marge" de la société, et notamment dans le sport. Tu sais quoi Justine, j'ai l'impression que cet axe et celui du sport et du risque sont en plein rapprochement^^

Mais tout est lié car même avec l'axe de Faustine, j'ai retrouvé des trucs en commun.
c'est HALLUCINANT pour faire un jeu de mots!!!

Je pense que cela mérite la création du néologisme "redbullifiant".

Temps libre et rites familiaux

Nombreuses activités de temps libre avec forts aspects rituels comme chasse, foot, corrida, combats de coqs=>degré élevé d'intégration ou de symbolisme.

Ritualités mineures comme le café que l'on prend le matin ou l'après-midi entre collègues=>caractère collectif, c'est un moment répété, qui possède des éléments d'injonction et de médiation et qui favorise l'intégration.

Rites représentent de nos jours des défis à affronter pour renforcer l'intégration sociale, mais étant le plus souvent des créations inconscientes, il faut être très attentif et tenter d'en suivre l'évolution.

Les jeunes et les rituels

"Très réticents par rapport aux rites d'initiation parce que la mort et la renaissance requièrent des épreuves auxquelles il faut se soumettre sans pour autant pouvoir compter sur un succès garanti. Les jeunes sont très attirés par le mythe du héros dans sa dimension de vainqueur et de personnage qui s'impose, et peu importe si la démesure entraîne la mort ou le châtiment (ex: Icare, idéal juvénile et confiance excessive dans ses propres forces). Représentant moderne de culture de l'extrême transgression qui se déchaîne dans les rave-parties et les "after", nous ne retrouvons ni Apollon, ni Hermès, mais Dionysos, le dieu enfant symbole d'excès et de dérèglement. Cependant, la recherche de l'extraordinaire et de l'expérience extrême permet aussi des explorations salutaires. Mais où se trouve la limite ? comment mesurer les effets d'expériences si particulières ? Comment comprendre et représenter le rock et le heavy-metal, la techno et le hard-core avec leurs drogues synthétiques, les sports extrêmes, l'obsession et la dépendance vis-à-vis de réalités virtuelles, la manipulation du corps et les comportements sexuels à risque ?"

"Si dans le rite traditionnel l'altération de l'état de conscience était obtenue par le vin et la musique, nos jours, à présent, alimentent leur courage et leur héroïsme (danses, compétitions, ascension) souvent vides et douloureux avec des substances psycho-actives. Les nouveaux rites sont dictés par des groupes de gens du même âge et semblent confirmer un danger difficilement codifiable parce que nous vivons dans des sociétés qui sont obsédées par la sécurité."

"Selon le psychothérapeute Fulvio SCAPARRO, les paradoxes comme sécurité/insécurité et les problèmes existentiels, comme l'enseignent les moines tibétains qui tournent lentement en priant et en jouant de la musique autour du temple, ne doivent pas être résolus mais acceptés et digérés en maintenant centralité et consistance. Relever un défi peut être en soi une façon d'activer l'imaginaire initiatique et d'un malheur on peut arriver à un renouveau intérieur. Le "réveil" est capital dans la recherche de sens des jeunes Occidentaux qui réagissent aux menaces du manque d'importance et d'identité, au travail souvent précaire et à l'absence de continuité études-travail."

"Les ruptures produites par les grandes mutations socio-économiques des sociétés postindustrielles ont engendré la fragmentation du travail et des représentations dans des espaces arbitrairement contrôlés. Les frontières entre identités sociales et politiques sont continuellement franchies jusqu'à l'exclusion plus ou moins masquée des réfugiés et des migrants qui sont sans lieu ni espace pour vivre et s'exprimer."

"Si la laïcisation, la globalisation et la consommation tendent à une rationalisation asphyxiante de toute chose, nous sommes en même temps submergés par une série extraordinaire d'initiatives individuelles et de groupes, du domaine religieux à celui de la pensée, difficiles à recueillir et à faire interagir. La réaction des jeunes qui se regroupent autour de certaines valeurs, de modèles et de modes de vie appartenant à une sub-culture ouvre de grandes perspectives d'expression et d'action, et confirme la possibilité de création de projets rationnels et partageables."

"Il est prouvé que l'intérêt pour la politique officielle est absent chez les jeunes. Mais que se passerait-il s'il s'agissait d'une nouvelle conception de la politique ? C'est ce que se pose le sociologue allemand Ulrich BECK, attentif aux orientation des jeunes qui s'impliquent dans le volontariat, dans le domaine social privé, dans les mouvements de solidarité, dans les organisations écologiques. Il existe aussi certains jeunes qui se font connaître en taguant les murs, les trains. Partout on a pu observer ce phénomène -les premiers tags sont nés vers la fin des années 1970. D'autres, les grapheurs, dessinent parfois avec une grande créativité. Ces jeunes, on les punit en leur offrant des espaces consacrés, ce qui en aucun cas nous résout le problème. Ils aiment demeurer anonymes. On assiste ainsi à une escalade qui fait d'eux des "hors-la-loi" dans une permissivité indifférenciée due à la fuite constante du monde adulte."(Red Bull : espace festifs, confinés ou chez soi, dans la rue pour sa propre personne=>interdiction en 2008 rajoute une couche, considère les consommateurs de Red Bull comme des "hors-la-loi", des gens qui ne suivent pas les conseils qu'on leur donne, échapper au monde adulte en se transcendant, à dépasser ses propres limites pour n'être finalement ni dans l'adolescence ni dans le monde adulte)

La permanence de la ritualité

"Décors initiatiques changent mais ce n'est pas pour autant que leur archétypes subissent les mêmes mutations. La disparition du sacré n'est qu'apparente. Il réapparaît autrement, depuis la sensation d'expérience totale vécue dans une partie de foot à la vision d'une série télévisée et la liste est longue."

"On recrée des émotions et des sentiments de la fidélité à la justice pour ne pas dire à la vérité."

"Citons un autre débat largement ouvert aux USA dont le principal représentant est Robert BLY, essayiste et animateur de groupes de réflexion sur la psychologie masculine. De nombreuses personnes se sont penchées sur son essai Pour devenir des hommes (1992) et parmi eux, le psychanalyste Claudio RISE, avec son étude Etre des hommes (2000). Déjà dans les années 1960, l'anthropologue Margaret MEAD, par d'autres chemins, était parvenue à dire que nous n'aurons ni aïeux, ni successeurs ; BLY toujours, dans La Société des adolescents éternels (1996), approfondit très sérieusement les caractéristiques de ce que l'on nomme la "société horizontale".

"L'absorption des comportement par les sociétés postindustrielles a uniformisé et nivelé les générations. Tous jeunes frères et sœurs toujours en fuite face aux responsabilités, n'ont pas accès à la reconnaissance ni à la rébellion. Une société de masse où les adultes régressent et où les jeunes ne peuvent plus avoir de modèles. La société verticale, celle qui domine la force des traditions, des religions et de la dévotion, n'existe plus."

"Les analyses des spécialistes soutiennent l'idée que des comportements appris et essentiels pour la vie humaine peuvent se perdre facilement. Ainsi l'extension du moment initiatique de l'adolescence qui désormais dure des décennies en accroît le chaos avec toutes les conséquences que cela entraîne. L'obstacle majeur à l'initiation de jeunes hommes et femmes réside dans l'incapacité d'imaginer des réalités invisibles. La société de consommation est une société qui se résout entièrement dans le sens littéral des choses. Les pères et les mères devront participer à la reconstruction pour que puisse renaître un sens nouveau. Ensemble, ils devront entrer en relation avec l'expérience des sentiments : le masculin et le féminin en relation avec la nature dans ses aspects les plus profonds et avec des irrationalités qui demandent à être reconnues et prises en main. Pratiquer des rituels sont des façons de vaincre la platitude : l'ordre et l'harmonie comprenant un aspect divin proviennent des profondeurs. Nous devons donc instituer des rituels qui nous protègent et qui nous rendent plus complets en remettant à leur place le présent et le futur, pour retrouver une véritable intériorité. A l'intérieur de ce processus d'homologation en cours, les jeunes ont besoin de différenciation dans leur recherche d'identité particulière (tatouages en idéogrammes japonais avec mots "force", "amour", "courage", tags sur murs et trains)."

"Le corps individuel est déplacé parce qu'il représente une proie pour le collectif. Une partie des jeunes fréquent les salles de sport et une autre partie refuse les modèles et se laisse maigrir=>les 2 catégories agissent dans un refus du corps et ont des troubles alimentaires. Cela tend à détruire les énergies en excès ou à ne pas en créer. On assiste à la disparition de l'élan intérieur comme union de l'âme et du corps social, maintenu dans une solitude désespérée par un fort archaïsme d'ignorance et d'inconscience. Pour ne pas se laisser prendre par les rites, certains cherchent des formes très spirituelles et d'autres s'expriment individuellement ou en groupe."

La Nécessité d'avoir des symboles

Aujourd'hui, c'est l'individu, avec sa condition psychosociale particulière, qui représente le pivot de tout comportement. S'ils sont transférés dans le privé, les rites perdent de leur force et l'individu est tout seul, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut croire qu'ils sont en fin de vie. La forme change mais la recherche de nouveaux rites ne peut que continuer. Nos sociétés, pour pouvoir respirer, ont toujours un besoin aussi fort de symbolisme. Nous pouvons remarquer une parallèle entre rite d'initiation des jeunes hommes des sociétés africaines occidentales au passage à l'âge adulte et rite d'initiation des élèves de première année dans certaines situations. Entre la séparation de l'enfant, et la perte d'identité à travers une religion symbolique qu'elle entraîne, et la renaissance, les initiés, sous la tutelle des adultes, apprennent la discipline et les savoirs en exprimant leur courage et leur force. Après l'apprentissage les jeunes sont accueillis dans la collectivité par de grandes fêtes ; ils revêtent des ornements particuliers, des tatouages marquent leurs corps en mémoire de l'initiation et ils accèdent au monde adulte. Ces rites sont en train de disparaître également dans les universités, remplacés par de nouvelles formes comme les compétitions sportives, les jumelages et d'autres choses similaires..."

Mais c'est génial ça!
Ça nous permettrait de concilier l'individualisme du redbull et la permanence des rites^^
A mon avis c'est là qu'il y a retraduction des rites, puisqu'il fallait bien les adapter à notre modernité individualiste, où le groupe n'est plus une fin en soi mais un moyen pour l'individu.

Je pense que ça pourrait faire l'objet d'une partie du "questionnaire", cette articulation entre le groupe et l'individu, mais faudrait encore trouver comment.